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3 janvier 2012 2 03 /01 /janvier /2012 22:26

Voici le commentaire que j'ai envoyé à Christian de DUVE, à propos de son livre

« De Jésus à Jésus, en passant par Darwin », ainsi que sa brève réponse :

 

Cher Professeur Christian de DUVE,

 

Je partage largement vos vues, sauf lorsque vous écrivez que "Jésus est notre seul espoir (...)".

D'une part, en effet, vous avez écrit que les religions "n'ont pas abandonné leur prétention à détenir la vérité suprême", et (ajouterai-je) à l'imposer au monde entier dans l'avenir.

Je crains donc, à plus ou moins long terme, un affrontement croissant entre les fondamentalistes chrétiens évangélistes et islamistes, notamment.

 

D'autre part, l'existence « historique » de Jésus, indépendamment de son message d'« amour du prochain », reste quand même assez discutable, et ce prophète n'a certainement jamais dit tout ce qu'on lui a fait dire ! En outre, l'humanisme chrétien est fondé sur la « Révélation » et sur des textes manipulés au cours des siècles et souvent apocryphes, pour imposer la soumission, fût-ce à des degrés divers, à un dieu et à un livre « sacré » exclusifs.

Enfin, le christianisme, mal compris j'en conviens, a été et est encore, comme toutes les religions, source de communautarisme, d'intolérances et de violences.

 

Le « seul espoir », à mes yeux, ce serait plutôt de promouvoir l'alternative de l'humanisme laïque. Certes, il se passe de toute référence surnaturelle et transcendante, il est non confessionnel, mais pas pour autant antireligieux (il prône en effet le libre choix des convictions philosophiques ou religieuses), il conçoit une spiritualité laïque, une morale laïque, et il répond à l'aspiration croissante à l'autonomie et à la responsabilité individuelle (du moins dans la plupart des pays intellectualisés, et pour autant que les alternatives non confessionnelles ne soient pas volontairement occultées comme aux USA, en Irlande, en Pologne, etc.)

Il défend en outre des valeurs "universalisables", car bénéfiques et donc acceptables par tous et partout, telles que le respect de l'homme, de la femme et de l'enfant, la liberté de conscience et de pensée, etc.

 

Votre pensée, puisque vous vous dites « agnostique », rejoint au moins partiellement celle d' André COMTE-SPONVILLE, « athée fidèle », conscient lui aussi de l’influence de sa croyance chrétienne initiale : marchant la nuit en silence dans la forêt, il a ressenti « une grande paix, la suspension ou l’abolition du temps et du discours, une simplicité merveilleuse et pleine, comme si tout l’univers était là, présent, sans mystère ni question, (..), une béatitude, un premier instant de plénitude, … ».

Feu le neurobiologiste Henri LABORIT, lui aussi agnostique (c'est logique et cohérent pour un scientifique), était sensible comme vous au message d' « amour du prochain », puisqu'il a écrit « Jésus est mon ami », mais aussi et surtout : « Je suis effrayé par les automatismes qu’il est possible de créer à son insu dans le système nerveux d’un enfant. Il lui faudra, dans sa vie d’adulte, une chance exceptionnelle pour s’évader de cette prison, s’il y parvient jamais ». (« Eloge de la Fuite », page 59, et aussi dans le film « Mon oncle d’Amérique » d’Alain RESNAIS), ou encore, (répondant à Jacques Languirand, à Radio Canada) : « Vous n’êtes pas libre du milieu où vous êtes né, ni de tous les automatismes qu’on a introduits dans votre cerveau, et, finalement, c’est une illusion, la liberté ! »

 

Vous avez dit enfin : «l'affirmation de l'inexistence de Dieu est gratuite, elle relève du dogmatisme tout comme l'affirmation de l'existence de Dieu».

Certes, mais la psycho-sociologie constate que la foi n'apparaît pas spontanément chez les enfants de parents non-croyants, et qu'au contraire, statistiquement, il y a une fréquente corrélation entre une éducation religieuse excluant toute alternative laïque et la persistance de la foi (l'éducation coranique en témoigne hélas à 100 %, la soumission y étant totale).

Cela tend, me semble-t-il, à confirmer, si besoin était, l'origine exclusivement psychologique, éducative et culturelle de la foi.

 

Quant à sa fréquente persistance, au moins sous forme de déisme (cf Einstein), la neurophysiologie constate que si les hippocampes (centres de la mémoire explicite) sont encore immatures à l’âge de 2 ou 3 ans, les amygdales (du cerveau émotionnel), elles, sont déjà capables de stocker des souvenirs inconscients, et donc notamment les comportements religieux, voire les inquiétudes métaphysiques des parents, sans doute reproduits via les neurones-miroirs du cortex pariétal inférieur. Or, comme en témoignent certains scientifiques croyants, créationnistes et imperméables à toute argumentation rationnelle et même scientifique, ces traces neuronales sont indélébiles, et se renforcent même par « plasticité neuronale », au fur et à mesure des expériences religieuses.

 

D'ailleurs, les observations par IRM fonctionnelle et par tomographie à émission de positons, sur des religieuses notamment, suggèrent que le cerveau rationnel, le cortex préfrontal et donc aussi bien l’esprit critique que le libre arbitre sont inconsciemment « anesthésiés », à des degrés divers, par ces influences précoces, du moins en matière de foi, et indépendamment de l’intelligence et de l’intellect.

 

Il me semble dès lors « raisonnable » de penser que, dans quelques décennies, les neurosciences pourraient bien, si pas "démontrer", du moins suggérer, inciter certains à penser que l'existence de « Dieu » (qui de fait ne s'est jamais manifesté concrètement !), est seulement subjective, imaginaire et donc illusoire (étant entendu que la foi, surtout si elle a été choisie à partir d'alternatives, restera évidemment toujours un droit légitime et respectable).

Pour plus de détails : http://michel.thys.over-blog.org/article-une-approche-inhabituelle-neuroscientifique-du-phenomene-religieux-62040993.html

 

Bien que vous soyez déjà très sollicité, cher Professeur, je serais heureux de lire votre commentaire (mais surtout vos critiques).

Je vous en remercie déjà cordialement, et vous présente mes respectueuses salutations.

 

 

Michel THYS,

à Ittre, ancien croyant (comme vous, mais protestant « libéral »)

jusqu'à 21 ans, athée depuis plus de 50 ans.

 

Sa réponse :


Le 3/01/2012 14:58, Christian de Duve a écrit :


Cher Monsieur,

J'ai lu votre article avec grand intérêt et y ai retrouvé des sujets de concordance. Malheureusement, le poids des années et les responsabilités qui me restent me mettent dans l'impossibilité de poursuivre le dialogue. Comptant sur votre compréhension, j'espère que vous m'excuserez.

Bien à vous.

Christian de Duve

Cher Professeur de DUVE,

Merci pour votre réponse, dont je comprends évidemment la brièveté.
Avec toute mon admiration, et bien cordialement.

Michel THYS 

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commentaires

M
Bonjour Anne-Marie,<br /> <br /> Etant entendu que je respecte les croyants, mais pas les religions, et sans chercher à vous convaincre, permettez-moi de vous répondre plus longuement que par une citation biblique.<br /> Je ne conteste pas le mérite de la tentative moralisatrice du christianisme de prôner « l'amour du prochain », mais à mes yeux, cette citation, comme toutes les autres, n'a de sens que<br /> pour les croyants, convaincus que Jésus (s'il a réellement existé) a vraiment dit tout ce qu'on lui a fait dire dans des textes apocryphes manipulés pendant des siècles et destinés à des bergers de<br /> l'époque pour les maintenir dans l'espoir d'une vie éternelle par la crainte d'un châtiment infernal.<br /> Dès l'enfance, et donc affectivement, toutes les religions imposent, fût-ce à des degrés divers, la soumission à une « Vérité » exclusive, source d'intolérance, et combattent donc<br /> l'autonomie de la conscience et la liberté de conscience, de pensée, et donc celle de croire OU de ne pas croire... C'est d'autant plus facile que l'humanisme laïque n'est pas prosélyte, lui.<br /> <br /> En outre, pour l'athée que je suis, les évangiles, la théologie, les exégèses, ..., se fondent sur une pétition de principe : le préjugé de l'existence réelle, plutôt qu'imaginaire, de Dieu<br /> (« Esprit Saint qui inspire le « bien, l'amour, etc.) et de Satan (qui incite au « mal », la haine, etc.).<br /> Or je pense que le bien et le mal n'existent pas dans la nature. Ce sont, selon moi, des constructions de l'esprit. A mes yeux d’athée, le bien, c’est ce qui est favorable à l’émancipation et à<br /> l'épanouissement de l’individu et de l’espèce, au vivre ensemble, et inversement pour le mal.<br /> <br /> Selon le schéma simpliste (mais pédagogique) de Mc LEAN, l'être humain, comme tous les autres mammifères, lorsqu'il est en présence d'un danger ou d'une menace, est d'abord régi par son cerveau<br /> "reptilien" qui l'incite à la fuite, ou à l'agression (ou à l'inhibition s'il "fait le mort"). Cf le neurobiologiste Henri LABORIT.<br /> Nous possédons toujours ce cerveau primitif, même s'il est compensé par le cerveau émotionnel et par le cerveau rationnel, en interactions constantes, mais en équilibre instable.<br /> Si l’on excepte l’influence de certaines tumeurs cérébrales et celle des carences éducatives, voire de violences parentales non récupérées, et si l’on se place dans une approche génétique et<br /> neurophysiologique, l'animal humain, placé dans un certain contexte éducatif, culturel, affectif, hormonal, ..., a fortiori s'il a été endoctriné, reste virtuellement capable de haine et de<br /> violence.<br /> <br /> Par contre, la conscience morale, le sens des valeurs, « universalisables », non négociables parce que bénéfiques à tous et partout, telles que le respect de l'autre et de sa différence<br /> enrichissante, celui de la dignité de l'homme, de la femme et de l'enfant, de leur liberté (effective, pas seulement symbolique !) de conscience, de religion, de pensée et d'expression, loin<br /> d'apparaître spontanément, ou par obéissance à des « commandements » religieux, ne s'acquièrent que par une éducation familiale puis scolaire, fondées sur l'autonomie, l'esprit critique, la<br /> responsabilité individuelle, l'apprentissage des limites et du respect des autres et de soi-même, sur l'exemple des parents et des éducateurs, non pas intellectuellement, mais par des expériences<br /> affectives, vécues ou suggérées par empathie, parfois a contrario, etc …<br /> Au plaisir de poursuivre cet échange de vues si vous le souhaitez.<br /> Bien à vous,<br /> Michel THYS
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S
"Tout royaume divisé contre lui-même est dévasté",
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M
Je condamne comme vous l'expérimentation animale, même cosmétique, lorsqu'elle ne prend pas en compte la souffrance de l'animal, et j'estime comme vous que toute vie est respectable, mais les<br /> progrès de la médecine doivent passer par ce stade pour ne pas faire de victimes humaines. A moins évidemment que l'être humain n'ait, à vos yeux, pas plus de "valeur" qu'un animal ...<br /> Michel THYS
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S
Cette personne Christian De Duve me donne envie de vomir. S'il n'a aucun état d'âme à sacrifier les animaux, je n'aurai aucun état d'âme à le voir lui-aussi vieillir et mourir !
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M
Bonjour Nocif,<br /> J'ai jeté un oeil, survolant ce texte de près de 500 pages, d'un xième prophète qui tente de concilier le genèse et la science. Mais jusqu'à preuve du contraire, "Dieu" n'est qu'une création de<br /> l'esprit humain, le seul que l'évolution a rendu capable d'imaginer un "Père" protecteur, anthropomorphique et sécurisant. Tout le reste (Jésus, les évangiles, la théologie, les exégèses, etc.<br /> n'est alors que littérature ...<br /> Dans la plupart des pays intellectualisés, du moins lorsque les alternatives non confessionnelles n'ont pas été occultées, la religiosité est en chute libre, parce que l'aspiration à l'autonomie<br /> est inconciliable avec la soumission religieuse.
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